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Yasuhiro Ishimoto : Le photographe bilingue

Chicago-Beach-Ishimoto

Yasuhiro Ishimoto : une découverte

Mes fréquents voyages sur Paris pour l’expo de fin septembre m’ont permis de profiter des expositions disponibles dans la capitale.
Même si en province, beaucoup de ville et de régions se défendent bien, Paris reste par la proposition en volume incontournable.
J’ai ainsi pu découvrir la rétrospective sur Yasuhiro Ishimoto au BAL.

Double trouvaille !

La première, ce sont les excellents tirages de l’auteur, dont j’avais eu un avant-goût lors de l’achat du livre sorti pour l’occasion.
Une magnifique scénographie de Cyril Delhomme met en valeur ces tirages.

La deuxième est l’endroit, qui existe depuis 2010, et que je ne connaissais pas. Voilà qui montre bien que je suis à la ramasse !
Je dois dégoter absolument une newsletter ou autre, m’informant sur ce genre de lieu. Je viens de m’abonner au Podcast FranceFineArt qui annonça l’exposition.
Si vous possédez un plan pour ne rien rater, partagez-le en commentaire !
Cela fera des heureux.

J’étais loin d’imaginer que cette visite allait me propulser dans un univers qui envahit mes lectures depuis quelques semaines.
C’est un petit bout de fil que je m’évertue à tirer, me fait entrevoir une norme pelote de ressources photographiques, artistes, galeries, documents et réflexions.
Tout cela ne peut que contribuer à me faire progresser et je vous propose de les partager avec vous.

Je vous dessine la carte routière de mes méditations du moment qui vont fournir une bonne partie des éléments de ce billet sur Yasuhiro Ishimoto.

Table des matières

Commençons par le livre de l’expo

À sa lecture, je découvre Agathe Cancellieri, historienne de la photographie, spécialiste de l’École de Chicago.
Je connaissais, l’école de Dusseldorf, l’école de New York, voilà maintenant celle de Chicago !

Et hop, on jette un coup d’œil aux ressources disponibles sur le sujet que j’ai largement utilisés :

–  Expérimenter dans la rue. Chicago photographié par les élèves et les professeurs de l’Institute of Design (1946‑1969)
–  Traditions et nouvelles visions américaines
–  Une nouvelle vision américaine : le département photographique de l’Institute of Design à Chicago de 1946 à 1972

Mais continuons au delà de la lecture.
Parmi les artistes que je connaissais déjà (Siskind, Callahan, …) débarque une exposition à la Galerie Rouge sur Kenneth Josephson et une autre sur Barbara Crane au Centre Pompidou.

N’en jetez plus !

Allez, commençons par Yasuhiro Ishimoto.

Vous me suivez toujours ?
Alors on y va !

Des racines japonaises à l’exil américain : un parcours inattendu pour Yasuhiro Ishimoto

1921 naissance à San Francisco de Yasuhiro Ishimoto

    
Yasuhiro Ishimoto est né aux États-Unis en 1921, plus exactement à San Francisco.  
Il passa toute son enfance au Japon, sur l’ile de Shikoku, où ses parents étaient exploitants agricoles.  
Son destin l’orientait tout naturellement à reprendre le domaine familial et il suivit des études d’agriculture.  
Il avait maintenant 18 ans, la guerre fait rage avec la Chine.  
Sa mère, afin qu’il ne soit pas mobilisé, l’envoie, tout seul, en Californie poursuivre sa formation.
Des études d’agriculture, évidemment.  
  
Il obtint son diplôme, mais nous sommes en 1941, et l’attaque de Pearl Harbor le rattrapa. 
 

L’internement et la découverte de la photographie :  

 
Bien que possédant un passeport américain, il est arrêté comme tous les Américains d’origine japonaise et envoyé dans des camps d’internement.  
Je vous ajoute une petite vidéo sur le travail de la photographe Dorothea Lange dans ces camps.  
 
   
Yasuhiro Ishimoto fut déporté au camp de Amache situé dans l’État du Colorado au centre du pays.  
Il y apprendra la sérigraphie et imprimera des affiches à destination de l’armée américaine.  
Il rencontra deux photographes qui l’initièrent aux possibilités de prises de vue, du développement et du tirage.  
  
Une révélation !  
Il décida d’abandonner l’agriculture pour la photo lorsqu’il fut libéré en 1944.  
Enfin libre au pays de la liberté !  
Le mot est bien grand car on lui interdit de résider sur la côte Est ou la côte Ouest, vu sa double nationalité.  
Les citoyens japonais n’ont pas le droit de s’installer à proximité des ports.  
Pearl Harbor a laissé quelques traces.  
  
New York lui est interdit !  
  
La ville de Chicago, sur les rives du lac Michigan, va l’accueillir.  
  
Vous me suivez à Chicago dans l’État de l’Illinois ?  
  
Go !  
 

L’institute of Design Chicago, ex-New Bauhaus 

  
Arrivé à Chicago, il continua à prendre des photos au sein d’un petit club (Photo Dearborn). On lui conseilla de rejoindre l’institute of Design que venait d’ouvrir László Moholy-Nagy (enseignant au Bauhaus dans les années 20).   
En réalité, l’école existait depuis 1937 sous le nom de New Bauhaus. Des problèmes financiers conduisirent à des changements de nom et d’activité.   
Une section photographie venait d’être ouverte avec évidemment des formations de designers et d’architectes.  
À cette époque deux illustres photographes enseignaient à l’Institute of Design : Harry Callahan et Aaron Siskind.  
Avouez qu’il y a pire comme professeurs !  
  
 
Aaron Siskind à gauche et Harry Callahan à droite
Aaron Siskind à gauche et Harry Callahan à droite
Vous me suivez toujours ?  
Parce que nous allons découvrir les méthodes utilisées à l’Institute of Design.  
Je pense que cela devrait vous être utile pour approfondir les compositions de vos images.  

De toutes les façons, il fait moche dehors; autant continuer l’article. 

L’influence de l’Institute of Design : Yasuhiro Ishimoto ouvre un œil moderne

Formation à l’Institute of Design de Chicago :

Commençons par des données économiques.
Nous sommes en 1944, à la sortie de la Seconde Guerre mondiale.
Les Gis commencent à rentrer au pays. Le gouvernement américain les aide à s’adapter à la vie civile en leur versant, grâce au GI Bill, le paiement des études universitaires et une année d’assurance-emploi.
 
L’industrie de la photo se porte extrêmement bien, aussi bien pour les reportages que pour la publicité, ce qui conduit de nombreux vétérans vers cette discipline.
 
Tout cela concourt à l’ouverture d’un enseignement spécifique à l’intérieur de l’Institute of Design de Chicago.
De plus Moholy-Nagy avait déjà élaboré des cours au sein du New Bauhaus. Les affaires reprennent !

Le Foundation Course

Vous vous imaginez peut-être que l’enseignement est comme celui que nous connaissons.
Les cours expliquent l’influence de chaque paramètre sur le triangle d’exposition, en s’appuyant sur des exemples tirés de la littérature photographique.
Ensuite, vous étudiez et essayez de reproduire plus ou moins maladroitement ce que vous avez vu.
 
Et bien non !
Ce n’est pas le genre de la philosophie du Bauhaus.
Pas de triangle d’exposition, l’école fonctionne sur la base d’ateliers où les élèves tentent de développer leurs créativités.
 

Cercle du cursus des formations au New Bauhaus

Comment ?

Pour cela, il est nécessaire de revenir à l’origine du concept du Bahaus au début du siècle initié par Walter Gropius.

Il s’inspire des loges médiévales rassemblant architectes, sculpteurs, artisans… afin de constituer une communauté de travail.

«Formons donc une nouvelle communauté d’ouvriers, dépourvue de l’arrogance de cette division en classes qui souhaite établir un mur d’orgueil entre les artisans et les artistes.
Concevons, élaborons et créons en commun la construction nouvelle de l’avenir qui embrassera tout en une forme unique, l’architecture, la sculpture, la peinture (…)» Walkter Gropius

Les enseignants sont appelés «Maître de forme» et «Maître artisan».

Maître de forme :

Ce rôle était occupé par des enseignants qui guidaient les étudiants sur le plan de l’esthétique, des concepts artistiques et de la théorie de la forme. Leur objectif était de développer le regard des étudiants, leur sensibilité artistique, et leur compréhension des éléments de base de la création (couleurs, formes, lignes, textures, etc.). Ils aidaient les étudiants à comprendre et expérimenter la nature des formes et à maîtriser les principes visuels, une approche très centrée sur la perception et l’exploration.

Maître d’artisan :

Ce rôle, en revanche, était davantage orienté vers la technique et la pratique artisanale. Les maîtres d’atelier étaient des spécialistes des matériaux et des méthodes de fabrication, guidant les étudiants dans la maîtrise de compétences pratiques comme le travail du métal, du bois, ou du verre ou la photographie selon l’atelier.
L’idée était d’encourager une compréhension directe et physique des matériaux, et de donner aux étudiants les outils pour transformer les idées esthétiques et formelles en objets concrets.

Mais pas que…
L’éducation en sciences humaines, appliquées, mathématiques, physiques et sociologie, entre autres, est proposée pendant les années universitaires.
Les journées devaient être légèrement bien remplies.
Pour faire simple, je vais me concentrer sur la partie photographie.

Les élèves débutent en apprentis, puis compagnons et peuvent devenir maîtres et débuter une carrière d’enseignant.

Les débuts pour les apprentis sont déconcertants.

La première année est celle du cours fondamental, les élèves expérimentent par la pluridisciplinarité des pratiques. Le dessin, la sculpture ainsi que la photographie sont au programme.
L’objectif est de découvrir son expression personnelle et en aucun cas imiter le professeur.

Pour la photographie, l’appareil photo n’intervient que tardivement.
Les premiers contacts se réalisent dans le laboratoire avec la chimie, et le papier afin d’élaborer des photogrammes.
Vous connaissez tous les premiers essais réalisés lors du premier contact avec la chambre noire…
 
Et bien, les élèves vont beaucoup plus loin. Ils comprennent le fonctionnement du papier, du révélateur et de la lumière. Cela leur permet de moduler les nuances de gris et les formes.
Dans la partie sur les problèmes, vous découvrirez quelques exemples qui donnent envie de reprendre le labo.

Pas besoin d’agrandisseur, une pièce sombre et en avant Guingamp ! 

Durant la seconde année, les élèves obtiennent une plus grande liberté d’interprétation des exercices donnés : les problèmes.

Les problèmes ? Quésaco ?
Patience, on abordera le sujet sous peu.

Dehors avec Harry Callahan

Cette formation sans appareil s’étend sur deux ans. Les élèves touchent à tout, du labo à la sculpture en passant par le graphisme.
À tel point que Yasuhiro se demandera quand il pourra enfin apprendre à faire des photos.
Diane Dufour, directrice du Bal, résume très bien la philosophie de l’école.

« Il y a cette idée, on forme initialement à la géométrie du monde ou de la création et on développe son talent personnel p

Car le plus important n’est pas de copier ou d’hériter du savoir des autres comme dans une académie, mais plutôt au contraire de trouver en soi la chose qui va s’imposer de manière singulière dans le langage du médium. »
Diane Dufour

Harry Callahan fait alors son entrée !Inspecteur Harry Callahan, homonyme de Harry Callahan le photographe

Mais non, pas l’inspecteur Harry des films de Clint Eastwood.

Celui dont je veux vous parler réalise ce genre de petites choses.

Lignes Harry Callahan

Harry Callahan est une figure de la photographie américaine au même titre qu’Aaron Siskind, dont nous avons déjà parlé dans l’article sur l’histoire de la Street Photo.

Pour la bonne bouche, une petite photo d’une façade de Chicago prise par Aaron Siskind.
Aaron Siskind Facade Chicago

Callahan intègre l’Institute of Design of Chicago dans les années 50 comme enseignant.
Allez, une petite citation du grand Callahan qui résume bien la formation reçue par Ishimoto :

C’était un programme fondé sur l’ignorance. L’important était de découvrir.
Harry Callahan

Harry va mettre ses élèves à la rue avec les exercices qu’ils réalisaient dans les ateliers de l’école. Il désire qu’ils confrontent la grammaire visuelle qu’ils ont apprise avec le mouvement de la rue, les paysages de neige (toujours galère à prendre en photo comme le couple de mariés).

Débutons, par un outil très utilisé durant les séances en studio, j’ai nommé :

Le modulateur de lumière

L’exercice du modulateur de lumière qui consiste à réaliser des sculptures
de papiers en trois dimensions dans l’atelier de sculpture puis à les photographier.
Fruit du travail en commun, il fut inventé par un élève.

Inventée par l’élève Nathan Lerner au cours de sa première année d’études au New Bauhaus en 1937-1938, elle se présente comme une boite en carton dont les côtés ont été perforés. Ces ouvertures sont utilisées pour suspendre des objets à l’intérieur et servent également à faire entrer une source lumineuse qui se réfléchit sur les objets et crée des images faites d’ombres et de lumières.

Agathe Canciellieri, expérimentez dans la rue. Chicago photographié par les élèves et les professeurs de l’Institute of Design (1946‑1969)

Tout simple, me direz-vous ?
Oui, mais c’est terriblement efficace pour sculpter la lumière et créer des volumes.

Jugez-en vous-même.

Nathan Lerner Light volume Chicago 1937

En plus des photogrammes et de la boite à lumière, le prisme qui permet la décomposition de la lumière faisait partie des éléments du studio des premiers temps.

Attaquons les autres problèmes dont je vous ai parlé un peu plus haut.

Les fameux problèmes !

Ils avaient pour but de faire toucher du doigt les propriétés de la photographie, la lumière, le contraste, le multiple, le volume, le mouvement mais aussi ce que nous connaissons de moins en moins : le développement.

Les photogrammes

Si vous avez un peu pratiqué le laboratoire, vous connaissez le petit jeu consistant à poser sa main sur la feuille durant l’exposition puis à révéler le résultat.
Ici c’est la même chose.
Cela permet de découvrir les notions de temps d’exposition sur le niveau de gris, la diffusion par la hauteur du sujet et bien d’autres choses avec des caches troués par exemple pour focaliser le rayon lumineux.

Pas dégueu le résultat !

Expérimentations Yasuhiro Ishimoto 1948-1950

Je me demandais comment il avait pu créer cette image.
J’imagine une méthode :
La lumière passe à travers un profil découpé dans du carton. 
Ce que je ne m’explique pas, ce sont les diffusions qui augmentent lorsque la taille diminue.
Ce qui semble pas possible avec un seul masque.
Plus on augmente la distance entre le masque et la feuille, plus la diffusion augmente mais aussi la taille !
Ici c’est l’inverse.
Les pros du labo, si vous avez une idée, je suis preneur…

Le Contour Lighting

Cet exercice est une déclinaison du light drawing, les élèves photographiaient les traces laissées par un rayon lumineux en mouvement.
On connait, cela se fait toujours…
Ici, il faut faire deviner la forme ou sa forme déformée à partir de son ombre.
Bel exemple avec cette image de 1948-1952, l’homme devient sa propre ombre !

 
Exemple de Contour Lighting Yasuhiro Ishimoto Chicago 1948-1952
 
Le problème du ciel.
Callahan crée ce problème pour s’assurer que ses étudiants produisent des négatifs sans poussière ni tache.
Pour cela, il demande des photos dont le ciel occupe 80 % de la surface !
 
En termes techniques, cela nécessite de savoir nettoyer l’appareil photo et les négatifs, ainsi que de maîtriser la mesure de la lumière et la restitution des différentes nuances, en particulier celles des ciels.
 
Côté création, les étudiants transforment le mobilier urbain (lampadaire, fil électrique, cheminée, panneau publicitaire…) dans la noirceur qui contraste avec le ciel.
Les artistes utilisent le même principe avec la neige.
Je n’ai pas trouvé d’exemple direct dans les bouquins d’Ishimoto.
Les photos de neiges pouvaient faire l’affaire, mais je préfère vous faire découvrir un autre élève de l’Institute of Design de Chicago : Ferenc Berko
 
Exemple du Sky Problem Ferenc Berko Display Store Chicago 1947 1948
 
Et puis comme je suis sympa, je vous partage aussi une de mes préférées de Berko
 
Ferenc Berko, photo de l'éclairage d'un panneau publicitaire en 1950 à New-York
 
Le gamma infinitE problem

Ou plus simplement en français : le contraste maximum.

En explorant les défis liés au négatif, à l’exposition et au développement, Callahan cherche aussi à éveiller une sensibilité artistique chez l’élève.
Il utilise pour l’exercice du «gamma infinity problem» – qui consiste à développer une pellicule sous-exposée pendant deux heures ou plus – et le «water-bath problem», une technique pour tirer le meilleur d’un sujet très contrasté en vue d’en révéler tous les détails.

Deux heures !
J’ai fait quelques expérimentations avec mes négatifs, mais là, je suis sur le c..
L’idée est que plus le temps de développement est long, plus le négatif est dense.
Mais deux heures !

Je vous promets d’essayer un jour…

L’exemple de Merry Renk

Le développement devient alors un moyen de réinterpréter l’image et de lui donner une touche unique.

Pour cet exercice, l’élève doit photographier le même sujet, selon la même composition, avec trois expositions différentes : une sous-exposée, une surexposée et une équilibrée entre les deux.
Cette méthode, qui existait déjà avant Callahan, met en évidence l’impact des tonalités sur le résultat final.
Callahan pousse ensuite ses élèves à choisir le meilleur tirage, non pas sur des critères purement techniques, mais en s’appuyant sur leur sensibilité visuelle pour déterminer lequel capture le mieux l’essence du sujet.

Un bon exemple de cet enseignement est celui de Merry Renk, qui a photographié un morceau de bois échoué sur des dunes dans l’Indiana, au sud de Chicago. Elle choisit d’abord un tirage équilibré, où elle retrouve une large palette de gris, de noirs et de blancs.
Mais Callahan l’oriente vers la version surexposée, qu’il trouve plus poétique et délicate.
Elle en retire une grande leçon :

« Il m’a appris à voir avec l’œil d’un photographe créatif. Il m’a expliqué pourquoi ce tirage, avec sa ligne lumineuse, révélait une plus grande beauté pour ce paysage, parce qu’il transformait le morceau de bois en ligne de dessin lumineuse. »
Merry Renk

L’exercice de la texture – Structure

Il consiste à photographier en macro d’éléments urbains afin d’en révéler les tonalités et la structure.
Portes en bois, affiches lacérées, etc.

 

Allez, quelques exemples

Chicago Door, 1950-1951 Yasuhiro Ishimoto

Le problème de la nature

Le problème est tout simple et assez connu.
Il s’agit de photographier par exemple le vent, ou les traces laissées par celui-ci sur l’environnement.
Un petit exemple sorti du bouquin :

Le vent Chicago 1959-1961 Yasuhiro Ishimoto

Pensez aussi aux rides laissées sur un lac ou un fleuve.

Alors ?

Prêt pour tenter quelques exercices à la manière du New Bauhaus ?

Difficile ?

Mais non!

Dans tous les cas, après ces exemples, je suis certain que lors de l’édition ou des prises de vue, une idée va surgir et vous faire voir autrement.

Si vous désirez découvrir d’autres exercices ou photographes (ça vaut le coup), je vous conseille : 
Une nouvelle vision américaine : le département photographique de l’Institute of Design de Chicago, de 1946 à 1972. 

 

La photographie comme extension de l’architecture :

 
Si vous êtes allé visiter l’exposition du Bal ou si vous avez pu consulter le bouquin de l’exposition et particulièrement les images d’architecture, une chose saute aux yeux : ce n’est pas seulement joli…
 
Les formes, la lumière et l’espace s’harmonisent.
Ses images respirent indéniablement l’architecture.
Harry Callahan poussait ses élèves dehors et un quartier de Chicago fut un centre d’intérêt pour eux : Le Loop.
Le Loop est le quartier moderne de Chicago, l’un des plus importants des États-Unis.
La lumière très froide du nord du pays s’infiltre au travers des grands buildings du centre, donnant un théâtre d’ombre et de lumière où les passants évoluent.
Il ne les a pas seulement photographiés, il les a réinterprétés.
 
Ishimoto possédait deux cultures : japonaise et américaine.
Faire un détour sur une notion propre à la culture nippone qui influencera certainement ses images d’architecture s’avère peut-être intéressant.
 

Le concept du « Ma »

 
Dans la culture japonaise, le terme «Ma» désigne l’espace vacant, l’intervalle ou la pause qui sépare deux éléments.
Ce n’est pas juste un vide insignifiant, mais un espace plein de potentiel, une sorte de souffle qui rythme et donne du sens à l’ensemble.
 « Au Japon, les notions de temps et d’espace sont unies dans un seul concept traduit par le mot ma… Il n’existe aucune différence entre les deux notions de temps et d’espace telles que les perçoivent les Européens…
Ce concept est le fondement même de l’environnement, de la création artistique et de la vie quotidienne au point que l’architecture, l’art, la musique, le théâtre, l’art des jardins sont tous appelés des arts ma. »
 Roland Barthes
 
Ishimoto a été profondément influencé par Le Ma dans sa manière de composer et de cadrer ses photographies. Il ne cherchait pas seulement à capturer des bâtiments ou des formes géométriques parfaites ; il mettait en lumière les vides entre ces structures, les espaces intermédiaires qui donnent vie à l’architecture.
Dans ses photos, l’espace n’est jamais simplement «rempli» par des objets ou des éléments visuels.
Au contraire, il joue un rôle aussi important que les lignes ou les formes elles-mêmes.
 
Palais Impérial Katsura Yasuhirp Ishimoto
 
Pour la bonne bouche, j’ajoute quelques images de la villa impériale Katsura.
 
Palais Impérial Katsura Yasuhiro Ishimoto
 
Ishimoto photographie les aplats de papier translucide, les panneaux de bois, et les cours d’eau de la villa, mais toujours en laissant de l’air, de l’espace entre ces éléments.
 
 
 
Très souvent lorsque je regarde mes images, je trouve qu’il manque d’air, d’espace, l’image ne respire pas.
La notion du « Ma », que je ne possède pas, constitue peut-être une justification venue du soleil levant.
 
Les élèves de l’école sont nombreux, mais Yasuhiro Ishimoto laissa une empreinte particulière due à sa double nationalité.
On creuse le sujet ?
 

Et si vous partagiez cet article ?

En découvrant le Ma dans les photos de Yasuhiro Ishimoto, on plonge dans une toute autre vision de l’espace et du silence entre les formes.
Un partage de cet article pourrait offrir à d’autres une porte d’entrée vers cet univers.
Allez, un bon geste…

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Non ?
Alors en route, pour le Ma et la fin du billet !

Le legs d’Yasuhiro Ishimoto : le mariage de deux cultures

Photographe visuellement bilingue :

On décrit souvent Yasuhiro Ishimoto comme un photographe « visuellement bilingue », capable de naviguer entre deux mondes : celui de sa culture japonaise d’origine et celui de la culture occidentale, en particulier l’influence du Bauhaus.

Mais comment ces deux influences se manifestent-elles dans son travail ?
Et comment ont-elles contribué à sa renommée ?

D’abord, comprendre que le parcours de vie d’Ishimoto a façonné sa manière de voir le monde s’avère important. Né aux États-Unis, élevé au Japon, puis formé en photographie à Chicago, à l’Institute of Design.
Deux cultures opposées ont influencé Ishimoto: le Japon, avec son esthétique minimaliste, son respect de l’espace et du vide (Ma), et l’Occident, avec l’héritage du Bauhaus et ses principes modernistes de lignes, de formes géométriques et de composition rigoureuse.

Cela a façonné sa démarche technique.

Par exemple, dans ses séries sur la ville de Chicago, il applique une rigueur formelle qui rappelle le Bauhaus : des lignes nettes, des contrastes puissants, une composition géométrique.

Il attache beaucoup d’importance au vide et au mouvement, ce qui évoque la notion japonaise du Ma.

Série Chicago 1959-61 Yasuhiro Ishimoto
Panneau du Palais Impérial Katsura Ishimoto

Influence sur les générations futures :

Cette capacité à naviguer entre les deux mondes se reflète aussi dans ses interactions avec ses contemporains.
Aux États-Unis, des photographes comme Harry Callahan et Aaron Siskind l’influencent, qui encouragent une approche abstraite et formelle de la photographie.
En rentrant au Japon dans les années 1950, après une longue absence, il choque les photographes japonais avec son style considéré comme « froid » et trop géométrique.

Il montre aux photographes japonais que la photo peut se passer de narration et d’émotions.
Au lieu de cela, il propose une photographie plus subjective, centrée sur l’esthétique et la composition qui inspireront la photographie japonaise.

Maintenant, à vous de jouer, à la manière de Yasuhiro Ishimoto.

Yasuhiro Ishimoto a su, au fil de sa carrière, transformer la photo en un véritable pont entre deux cultures et deux approches artistiques.
Son regard, nourri par la rigueur du Bauhaus et la subtilité du concept japonais du Ma, inspire encore aujourd’hui les photographes à chercher une vision personnelle et à dépasser les limites de la représentation.
À travers ses compositions harmonieuses où se rencontrent formes géométriques et vides pleins de sens, il a montré comment un cliché peut révéler une réalité plus riche.

Si vous souhaitez vous lancer dans une exploration à la manière d’Ishimoto, pourquoi ne pas commencer par un exercice inspiré de sa formation à l’Institute of Design ?
Imaginez une série de photos autour des éléments de votre quotidien urbain, en jouant sur les lignes, les formes, et surtout les espaces vides.
Pensez aussi à laisser la lumière guider votre composition, comme dans les rues de Chicago où Ishimoto trouvait des théâtres de lumière dans chaque coin du Loop.

Et si vous souhaitez approfondir le sujet, prenez le temps d’apprivoiser le concept du Ma. Entraînez-vous à laisser respirer vos images, en cherchant à capturer l’essence d’un lieu ou d’une scène sans nécessairement tout remplir.
Laissez de la place aux ombres, aux nuances, et aux silences dans vos compositions. Parfois, ce que l’on omet est aussi puissant que ce que l’on capture.

De ce côté aussi, j’ai des progrès à faire…

 

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